“Comment j’ai accepté mes oreilles décollées”

“Comment j’ai accepté mes oreilles décollées”

Témoignages

Photos D.R

Texte Clément Laré

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Objets de moqueries durant l’enfance, les oreilles décollées de Jérémy, 29 ans, social media et influence manager, sont devenues pour lui un complexe. Les années et l’aide de coiffeurs l’ont aidé à les accepter.

“C’est à cause des moqueries des autres que j’ai pris conscience que mes oreilles étaient décollées. Jusque-là, ça n'avait pas été pour moi un complexe. Je n’y avais même jamais vraiment porté attention. C’est en CM1, lorsque j’ai quitté ma petite école de village pour une école catholique que j’ai commencé à essuyer des remarques. On m’appelait Dumbo, on se moquait de moi… C’était très dur. Parfois, je rentrais de l’école abattu.

Je me souviens qu’à l’époque, je voulais me les faire recoller. Mes parents, eux, n’étaient pas du tout d’accord. J’étais outré qu’ils refusent ! Je faisais des crises en leur disant qu’ils ne savaient pas ce que je vivais à l’école. Ma mère marquait alors des mots dans mon carnet de correspondance pour l’expliquer aux professeurs. Ils n'en ont jamais fait grand-chose, mais pour mes parents, c’était une solution.

Des cheveux pour cacher

Vers 14 ans, j’ai eu le droit d’affirmer un peu plus mon style. Jusque-là, j’avais été obligé de me couper les cheveux très courts, ce qui, j’en étais persuadé, faisait ressortir mes oreilles. Mon premier réflexe a donc été de prendre le contre-pied. J’ai tout laissé pousser jusqu’à finir par avoir un carré. L’objectif était clair : masquer totalement mes oreilles avec ma chevelure.

Je ne sais même plus si, dans le fond, j’aimais bien cette coupe. Sur le moment, sûrement… Après tout, je les avais longtemps voulus, ces cheveux longs. J’essayais donc de reproduire la coupe de cheveux de Jeremy Chatelain de la Star Academy, dont j’étais fan, à grand renfort de lisseur. Rétrospectivement, je me suis rendu compte qu’on en était plutôt loin. Plus je grandissais, plus je réalisais que ce n’était pas vraiment une coupe faite pour moi. Aujourd’hui, avec le recul, je me demande même comment on a pu me laisser avoir cette tête. Mais je n’osais pas changer. Couper voulait dire, pour moi, exposer de nouveau mes oreilles.

Le coiffeur, le déclic

Il a fallu attendre mes 19 ans pour que je me décide à sauter le pas. C’est ma meilleure amie qui a fini par me convaincre en me garantissant que sa coiffeuse était géniale. Et elle n’avait pas menti ! Evidemment, la première chose que je lui ai dit avant qu’elle ne commence, c’est que je ne voulais pas faire ressortir mes oreilles. Elle m’a rassuré en m’expliquant : “Tu vas voir, avec un bon dégradé derrière mais toujours de la longueur, cela va faire illusion et on n'y prêtera pas attention.” Et ce fut le cas ! Après cinq ans de chevelure longue, j’avais enfin une coupe courte et j’ai adoré ça. Je l’ai vécu comme un renouveau.

A partir de ce moment-là, je me suis mis à avoir complètement confiance en les coiffeurs. A chaque fois, bien sûr, je leur précisais que mes oreilles étaient un problème. Mais ils m’ont tous aidé à passer outre. J’ai fini par me rendre chez le coiffeur le plus cool de Lille, où j’habitais à l’époque. Il m’a fait une coupe hyper audacieuse ; j’étais rasé à blanc sur les côtés avec comme un bol court sur le dessus. Ça appuyait totalement mon côté oreilles décollées mais ça rendait super bien. Je n’en revenais pas d’avoir osé quelque chose d’autant extravagant. J’en suis ressorti avec quasiment une autre personnalité. Ce sont des événements comme celui-là qui m’ont véritablement aidé à m’assumer.

La fin des moqueries

Dans le même temps, le regard des autres a aussi changé. De plus en plus de personnes me disaient que mes oreilles faisaient mon charme, que c’était sexy. Je n’arrivais pas trop à le concevoir mais ça a quand même joué dans mon processus d’acceptation. Et puis, les moqueries ont aussi fini par s’arrêter. C’était vraiment un truc d’école, où je m’étais retrouvé à être un souffre-douleur. Reste que ce sont des mots qui m’ont marqué, des souvenirs que je ne pourrais jamais oublier. Parfois, quand on me fait un compliment, ça me rappelle à ces moments-là. Je me dis “cool que toi tu aimes mais, pour moi, ça continue d’être ce qui me gêne le plus dans mon physique”. C’est peut-être pour cela que je n’arrive pas à concevoir qu’on puisse trouver ça joli. En général, quand on m’en parle, je préfère couper court à la conversation. Ce n’est pas un sujet sur lequel j’aime m’épancher.

“Cela fait simplement partie de moi”

Aujourd’hui, je peux dire que je suis enfin passé outre ce qui a été pour moi un véritable complexe. Ce n’est pas pour autant quelque chose que je mettrais en avant mais j’ai fini par accepter que cela fasse partie de moi. Je n’ai plus jamais songé à me les faire recoller. En réalité, au moment où j’avais l’argent et la possibilité de passer à l’acte, j’avais déjà appris à être plus à l’aise avec ça. Cependant, je peux totalement comprendre que certains choisissent cette solution.

Ce que je dirais à une personne qui traverse ce que j’ai vécu, c’est qu’il faut apprendre à vivre avec du mieux qu’on peut. Pour moi, les coiffures et l’affirmation de mon style ont été des étapes suffisantes pour que je passe à autre chose. Mais si, pour soi, cela semble impossible, alors la chirurgie est sûrement une bonne option. Ce que j’ajouterai aussi, c’est que se laisser pousser les cheveux n’est pas forcément la bonne solution. Croyez-en mon expérience !”