

Pourquoi change-t-on de parfum ?
Photos Rachelle Simoneau
Texte Floriane Reynaud
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Signature olfactive ou simple passage : pourquoi vos parfums ne sont pas éternels.
Que vous soyez adepte de la signature olfactive unique ou maximaliste de la parfumerie, le choix d’un parfum reste personnel. Très, même. Du coup, il est logique que se séparer de celui que vous vaporisez quotidiennement puisse être une épreuve difficile. Mais alors, pourquoi diable change-t-on de parfum ?
Peau contre peau, vous avez refait le monde, partagé des moments de joie, de peine et de plaisir. Vous l’avez parfois mis à rude épreuve mais il n’a jamais cessé de vous accompagner aux confins de la planète, pour votre premier rendez-vous, votre premier job, un mariage, une séparation, la naissance d’un enfant… Quand soudain vous ne pouvez plus le sentir. Après tant d’années de complicité, vous rejetez sa familiarité, sa chaleur et sa présence que vous reconnaîtriez pourtant au milieu de la foule. Lui, c’est votre parfum. Alors que vous vous jetez à la recherche de son successeur, une question subsiste : pourquoi ce soudain désamour et ce désir de lui être infidèle ?
Un choix personnel : la signature olfactive
Changer de parfum, c’est comme dire adieu à quelqu’un qu’on a profondément aimé. Pendant longtemps, les femmes comme les hommes ont suivi rigoureusement la fameuse règle du parfum qui devient une signature. Le principe ne date pas d’hier : c’est à partir des années 1920 que Chanel décrit le parfum comme une empreinte olfactive éternelle. Avec ce mantra, la marque s’assure qu’une fois que la cliente adopte N°5, elle continuera de l’acheter jusqu’à la fin de ses jours. La griffe au camélia n’est pas la seule. Chez les femmes, on peut également citer Shalimar de Guerlain chez les femmes, ou Eau Sauvage de Dior pour les hommes, qui sont devenus de véritables légendes et, au passage, des élixirs de toujours. Seulement voilà, en parfum comme en amour, il est bien rare de trouver un partenaire pour la vie.
Car si sentir bon est un acte civique (on aimerait que plus d’utilisateurs du métro parisien le comprennent), sentir soi est purement personnel. Son propre sillage résonne chez les autres comme un élément à part entière de notre personnalité - ce n’est pas pour rien que l’on utilise, certes négativement, l’expression « je ne peux pas le sentir » pour désigner quelqu’un que l’on n’apprécie peu. Pour Alexis, le parfum est un geste du quotidien, mais il ne se verrait pas jongler entre les fragrances : “quand je trouve un parfum c’est souvent grâce à un coup de coeur. Je ne peux pas changer subitement si je n’aime pas profondément le nouveau”. Et sa compagne, Sarah, d’ajouter : « je suis très sensible aux odeurs, donc le changement n’est pas une évidence pour moi. S’il craque pour un nouveau, on se concerte et on choisit ensemble ». Faut-il prendre en compte l’avis des autres en matières de parfum ? Comme Sarah, nombreux sont ceux qui pensent que le parfum d’un conjoint ou d’un proche en général, est une signature. Ainsi, pour beaucoup, même si un parfum d’antan nous est toujours cher, impossible de le vaporiser de nouveau s’il est associé à un souvenir qu’on veut mettre de côté. Au contraire d’un vêtement, une effluve qui ne nous correspond plus est parfois insupportable à porter sur la peau.
Besoin de changement
Ainsi, même si vous êtes du genre fidèle envers votre parfum, cela ne vous empêchera pas de vous lasser un jour ou l’autre de son effluve, pour quelque raison que ce soit. Parmi le panel d’utilisateurs de parfum que nous avons interrogé, la moitié affirme avoir choisi son flacon actuel récemment, et aucun ne le possède depuis toujours. Un constat qui s’explique de plusieurs manières : d’un côté, l’offre sans cesse grandissante de nouveautés qui s’ajoutent aux jus légendaires, mais aussi (et surtout) notre propre évolution. Et pour comprendre pourquoi on finit souvent par s’ennuyer d’un parfum qui nous plaisait tant, il faut se replonger dans nos cours de science. Une fragrance se compose d’alcool et d'esters, ces molécules qui donnent au parfum sa senteur. Au contact de la chaleur de la peau, elles s’activent et évoluent selon le porteur. La transpiration, les hormones, l’acidité de la peau… Tous ces facteurs changent légèrement l’odeur originelle du parfum. C’est pourquoi il ne sent pas la même chose dans la bouteille et d’un individu à un autre. Au gré des ans, le corps se transforme, et l’esprit aussi. À cause de la qualité de la peau, un parfum n’aura pas le même effet, ni la même odeur, à 25 et à 40 ans. Le parfum évolue donc, tout comme nos goûts. Si à la sortie de l’adolescence, on est attiré par des fragrances masculines très fraîches et entêtantes (Only The Brave de Diesel et Invictus de Paco Rabanne, à l’imagerie purement virile, sont les flacons masculins qui s’écoulent le plus au monde), il est fréquent qu’avec l’âge, on aille à la recherche d’odeurs subtiles et d’ingrédients précieux.
L’embarras du choix
Le parfum ferait-il donc partie intégrante de notre identité ? « Totalement », répondent les parfumeurs toutes marques confondues. Pourtant, plus on apprend à se connaître, plus on s’affirme, et nos goûts changent. Dès lors, le nouveau départ est souvent l’occasion de s’orienter vers la parfumerie dite de niche, et à des odeurs plus personnelles. Vient alors le plaisir de la recherche d’une nouvelle signature, ou de plusieurs.
Car bien entendu, inutile de se forcer à avoir une signature olfactive si vous ne le sentez pas. Porter des parfums différents jour après jour peut également être une marque d’affirmation de soi et d’une personnalité qui n’a pas peur d’oser. Antoine*, qui possède plusieurs fragrances, associe ses parfums à des souvenirs : flacons glanés lors d’un voyage, essence d’une période de sa vie ou d’une relation amoureuse, il confie : “c'est un peu étrange mais j'ai l'impression que je change de parfum quand je change de copine, sans doute comme une manière de repartir à 0”.
Il n’est pas le seul : paradoxalement, si pour 60% des interrogés le parfum est une empreinte olfactive, 47% en possèdent également plus de deux. D’un côté, de nombreuses personnes se lassent de leur fragrance car elles ne se sentent plus. À force de porter le même jus, on finit par y être imperméable. Sillage frais du matin, effluves musquées du soir, flacons différents d’une saison à l’autre… Change-t-on pour autant aussi souvent de parfum que de chemise ? Pour Antoine, c’est plutôt pour le plaisir d’avoir le choix. « Comme j'ai pas mal de bouteilles, je me dis souvent que je vais tenter d'autres choses d’un jour à l’autre. » annonce-t-il avant d’ajouter : « c'est souvent sans succès. » Conclusion : fidèle ou volage, le plus important est que votre parfum corresponde à celui que vous êtes à l’instant T.
* Le prénom a été modifié