Le bronzage est-il devenu ringard ?
Photos FilmFour
Texte Matthieu Morge-Zucconi
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L'été sera chaud, mais pas grillé.
Ils sont encore nombreux, ceux qui dorment au soleil et ceux qui reviennent de vacances les cheveux blondis par le soleil et asséchés par le sel, le corps grillé par les UV, les traces de bronzage bien en vue. En ces temps où candidats de téléréalité et fameux footballeurs ont fait du teint hâlé (et du gel effet mouillé) leur signature, une question se pose pourtant légitimement : le bronzage ne serait-il pas devenu ringard ?
Nous nous sommes déjà à maintes fois engagé contre l’usage des cabines à UV et de l’autobronzant. Ces artifices, qui ne dupent personne, sont soit dangereux (les premières), soit ridicules (le deuxième). Mais quid, alors, du bronzage naturel, celui qui se fait à force de détente au bord de la piscine ? Si la détente est évidemment l’un des grands plaisirs des vacances, le fait de se cacher des rayons du soleil semble de plus en plus fréquent chez ceux qui choisissent, l’été, de se rapprocher de la mer et de passer du temps dans de fameuses stations balnéaires, des îles grecques à la Corse.
Un déclin ancien
Existerait-il une méfiance à l’égard du teint hâlé, conséquence directe de l’apparence de personnages comme Cristiano Ronaldo ou Antonin des Marseillais ? Historiquement, l’attrait du bronzage date des années 1930, et de l’avènement des congés payés. Avant cela, il était de bon ton d’être pâle et de laisser le bronzage aux paysans qui, travaillant dans les champs, étaient logiquement plus exposés au soleil. Avec les vacances est venu le temps du hâle - au retour des quatre semaines de soleil donc, pas plus. Et surtout pas, comme les susnommés, toute l’année.
Pour nous aider à comprendre ce phénomène, nous avons interrogé Alexandra Jubé, responsable Insight et Digital chez NellyRodi, agence de prospective analysant, pour le compte de leurs clients, les changements de comportement des consommateurs. Selon elle, la méfiance à l’égard du bronzage est ancienne. « Le bronzage est devenu moins prisé lorsque le gouvernement s’est mis à lancer de nombreuses campagnes d’alerte sur les dangers du soleil », nous explique-t-elle. Ce whistleblowing anti-UV marque la fin d’une période où le bronzage était un accessoire indispensable à tout vacancier qui se respecte. « Dans les années 90, on était plus dans une optique bronzage à l’extrême, avec monoï et graisse à traire », poursuit Alexandra Jubé. Les ravages de Alerte à Malibu, sans doute.
Suite logique : le bronzage, dont l’on sait aujourd’hui qu’il peut s’avérer dangereux, est laissé de côté. Le Ministère de la santé s’égosille à nous répéter que le soleil a des risques, et aurait finalement trouvé un écho contemporain.
Loin de l’air du temps
Selon Alexandra, l’un des points essentiels de l’analyse du déclin du bronzage est résolument contemporain. « Aujourd’hui, la dictature du tout healthy, très clivante, va forcément limiter l’attrait du bronzage : on ne peut pas passer son temps à prendre des probiotiques, à mettre de la spiruline dans ses plats, pour au final se laisser griller au soleil », expose-t-elle. Le risque ultime de l’adepte du healthy ? Le coup de soleil. « Il faut à tout prix éviter de brûler, c’est très mal vu ». Plus SPF50 que graisse à traire, donc.
Il faut dire que, à première vue, opter pour le bronzage à l’extrême est difficilement compatible avec un mode de vie sain. Prendre soin de son corps à l’extrême l’hiver pour lâcher complètement la pression lorsque vient le mois de juillet serait même plus qu’illogique.
La fin du bronzage ?
Le healthy aurait-il mis fin à une tradition vieille comme les congés payés ? Pas vraiment, à en croire Alexandra : « le bronzage continue à véhiculer des idées positives : le teint hâlé, ça veut dire que l’on s’est reposé, et ça aide forcément à avoir bonne mine ». Si le bronzage à l’extrême est donc abandonné, le teint hâlé de quelques jours serait donc loin de mourir. « Dans nos cultures, le teint hâlé devrait logiquement rester gage de bonne santé, de bonne mine », promet Alexandra.
D’autant plus que l’avènement d’Instagram a marqué le début d’une nouvelle ère : « celle du secret spot, de la déconnexion - on choisit un lieu de vacances coupé du monde mais on en poste 2 photos par jour sur les réseaux sociaux ». Les vacances sont donc toujours à la mode (logique ?). Qu’est-ce qui montre plus que vous êtes parti en vacances qu’un bon bronzage ? Peu de choses, c’est certain.
La conscience du risque
Si le bronzage n’est donc pas à proprement parler ringard, la prise de conscience générale des risques liées à une surexposition a clairement ébranlé la popularité du “bronzé toute l’année”. En effet, si les fameuses campagnes d’alerte lancées par le gouvernement nous ont enseigné quelque chose, c’est bien que l’exposition prolongée au soleil, condition sine qua non du hâle, peut être dangereuse pour la peau.
Parmi les risques les plus fréquents, le vieillissement accéléré de la peau, forcément, mais aussi et surtout le mélanome et le cancer de la peau. Le « capital soleil », cette notion vague mais bien connue, est un capital fragile qu’il ne faudrait pas gaspiller, au risque de conséquences terribles pour l’épiderme. Évitez donc de brûler à chaque vacances.
Faut-il rester pâle ?
La question est évidemment légitime. Face à tant de points négatifs, la solution la plus simple serait d’opter pour des vacances loin du soleil. Malheureusement, ceci est plus facile à dire qu’à faire : difficile, en effet, de résister à l’envie de se rendre à la plage lorsque vient l’été. « Les gens, d’ailleurs, mettent de plus en plus en avant le fait de s’enduire “d’écran total”, de transporter en toutes circonstances une crème SPF50, raconte Alexandra. Signe que les temps sont à la pâleur et à la méfiance.
Pourtant, le teint blafard n’est que rarement un bon choix. Vous voulez évidemment avoir bonne mine, comme tout le monde, sans toutefois ressembler à l’un des acteurs du dernier clip de PNL, tourné au Mexique. Soyez raisonnable et tout se passera bien.
Veillez aux heures auxquelles vous vous exposez (évitez à tout prix le soleil entre 12h et 16h), utilisez une crème solaire minérale, meilleure pour votre peau et pour l’environnement que les chimiques, et appliquez-la sans lésiner. Bien entendu, ne tentez jamais de bronzer sans protection. C’est une idée stupide.
Le bronzage, donc, n’est pas entièrement ringard. Mais, comme les cocktails et les autres plaisirs de la vie, il se consomme avec modération - pour des raisons esthétiques comme de santé.
En parlant de cocktail, ceux de votre beach club favori sont meilleurs lorsque dégustés à l’ombre d’un parasol. Vos papilles vous remercieront. Votre peau aussi. Elle a besoin de repos.