Dans la routine de Pau Avia
Photos Louis Muller
Texte Matthieu Morge-Zucconi
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Le styliste pour Vogue et AMI nous reçoit chez lui pour parler Fashion Week, vélo et magazines.
Pau Avia a 27 ans. Styliste freelance, il collabore avec des magazines tels que Vogue, Hercules, Assistant et I-D France, et des marques comme AMI. Il nous a reçus chez lui, dans le 9ème arrondissement de Paris, pour parler de son travail, de ses habitudes de petit-déjeuner et de son mode de transport favori dans la capitale.
Ce métier, Pau l’exerce depuis 6 ans. Après des études de traduction, il entre chez V Magazine en Espagne, où il commence à interviewer des musiciens et à couvrir des festivals et évènements culturels avant qu’on lui propose d’écrire sur les défilés. “Peu de temps après, on me proposait de faire le stylisme sur un shooting”. Il n’a jamais arrêté et officie aujourd’hui principalement en mode masculine. “J’ai une vision de la féminité très sexy, probablement car je viens d'une région de l'Espagne chaude. Mais c'est aussi le contraste avec la nonchalance de la parisienne qui, pour moi, fait la femme 20/20”.
Originaire d’Alicante, en Espagne, il est installé à Paris depuis 2011. Avant cela, il avait déjà vécu dans la Ville Lumière, en 2008, avant de repartir : “je devais finir mes études”, raconte-t-il aujourd’hui. Il est revenu à Paris avec une idée fixe en tête, celle de travailler dans la mode : “je suis assez têtu, donc je venais motivé”. Il rejoint d’abord le service presse de Margiela, puis GQ France, avant de se lancer en indépendant. “C’est important de galérer un peu, dans ce milieu : je pense qu’il est indispensable, en début de carrière, de faire la fourmi”, raconte-t-il aujourd’hui.
Le choix de Paris s’est imposé de lui même : “c’est comme en football, je suis venu ici pour jouer en Premier League”. Pourtant, l’Espagnol concède que la ville est parfois difficile à vivre : “les gens ne sont pas forcément souriants, peu agréables”. Le contraste est fort avec sa ville d’origine, située au bord de la Méditerranée. “Le climat y est très doux toute l’année, c’est très différent d’ici”.
Après avoir vécu dans les 10ème, 20ème et 16ème arrondissements de la capitale, il est arrivé dans l’appartement où il nous reçoit il y a trois ans. Aujourd’hui, Pau confie que cet appartement était une folie : “il était sans doute beaucoup trop cher pour ce que je gagnais à l’époque, mais ça m’a poussé à travailler plus, pour le mériter”. Il le partage avec un ami proche, dentiste. “Nous parlons très peu de mode, ce qui est plaisant, car j’ai souvent besoin de me couper de ce monde”.
L’homme, pourtant, est passionné. Il n’y a qu’à jeter un oeil à l’impressionnante collection de magazines qui occupe son appartement pour le comprendre. “Il y en a 500 ici, je dirais, principalement des Fantastic Man, Vogue, LOVE Magazine… Mais il y en a encore plus chez mes parents, où j’ai au moins 2000 numéros de plus”. Il traque, achète, collectionne numéros de Dutch Magazine, The Face, mais aussi Emporio Armani Magazine ou, forcément Vogue, principalement grâce à des outils comme Ebay ou Alibaba. “Je m’en sers pour trouver de l’inspiration parfois, même si celle-ci vient surtout du cinéma, de Pasolini à Almodovar, ou des livres de photos. Je peux m’inspirer de tout, mais la photo de reportage est particulièrement efficace”. Pau explique son addiction aux magazines très simplement : “je collectionne tout ce qui est imprimé sur du papier, c’est une maladie”.
Une autre passion de Pau, c’est la danse, qu’il a longtemps pratiqué, avant d’arrêter suite à une grave blessure. “Du coup, j’ai pris l’habitude de faire du sport”. 2 à 3 fois par semaine, avant de rejoindre le bureau, il se rend à la salle, où il fait principalement de la musculation. “Je n’ai pas besoin de faire trop de cardio, car je roule exclusivement à vélo à Paris”. Exclusivement, vraiment ? “Oui, même s’il pleut. Je n’évite que lorsqu’il y a des pics de pollution ; je n’aime pas le métro, les gens sont tristes dedans, j’ai besoin d’attaquer la journée sur une note positive”. Une habitude qui l'oblige d'ailleurs à se laver le visage tous les soirs.
On peut imaginer que s’habiller, lorsqu’on a fait de la mode son métier, est un moment essentiel (et fastidieux) dans la journée. Pas vraiment, à en croire Pau. “Ça m’a fait rire de lire dans son portrait que Dan pouvait mettre presque une heure pour s’habiller car moi, c’est maximum quinze minutes”. L’homme, il faut dire, a développé un uniforme : “ c’est important, en travaillant, de trouver une tenue qui te va et te permet de travailler confortablement, car nous sommes souvent longtemps debout, nous bougeons pas mal, mieux vaut éviter d’être déguisé”.
La routine de Pau, donc, est plutôt bien réglée : “je me réveille vers 7h, après une courte nuit d’environ 6h, et saute directement dans la douche, puis je prépare toujours le même petit déjeuner en trois étapes, en peignoir”. Un jus d’orange pressé avec du miel ou de la gelée royale, un café (parfois avec du lait de riz ou d’amande), puis des tartines à l’avocat ou à la tomate avec de l’huile d’olive et, pour finir, un bol de yaourt, granola et fruit : “une poire, une pomme, une banane… ce qui traîne dans la cuisine le matin”. Menu chargé, donc. Et équilibré.
Il se rend ensuite au bureau, situé Place du Palais Bourbon, dans les bureaux de Condé Nast International. “J’y arrive vers 10h - 10h30, et je lis les journaux généralistes, du Monde au New York Times - il est important de rester connecté à la vraie vie, car ce milieu est bizarre”. Au bureau, son rythme est soutenu : “il faut beaucoup d’énergie, ce n’est pas un lundi - vendredi classique”, raconte Pau. “Il y a beaucoup de pression, le plus difficile ce n’est pas de rentrer dans ce milieu mais d’y rester”. Pour cela, le secret, selon Pau, est simple : “un bon portfolio, c’est un mélange de magazines indépendants et de choses plus mainstream ; il faut une vision commerciale, forcément, mais aussi une vraie vision définie : il y a de la place pour tous les gens qui ont cette esthétique forte, mais moins pour ceux qui se contentent de suivre les tendances”.
Le métier de styliste impose d’être en forme : outre les longues journées de shooting, il partage une grande partie de son temps entre voyages professionnels et fashion weeks. “Tous les mois, il y a un voyage, mais tous les 2 mois environ, il y a un gros voyage, en Amérique du Sud, en Asie, aux États-Unis”, raconte-t-il. “Je transporte toujours la même chose, dans une petite trousse Muji : quelques comprimés de camomille, une crème hydratante, une huile essentielle de ravintsara pour me relaxer, que j’applique sur mes poignets, un masque pour dormir, une brosse à dents, et une pilule pour dormir”. Sans ça, pas de voyage.
Quid des fashion weeks, dans tout ça ? “Fashion week ou pas, le métier est tel qu’il faut rencontrer des gens, se déplacer, sortir, dîner, déjeuner, petit-déjeuner avec des gens”. Lors des semaines de la mode, le rythme des défilés et autres fêtes est encore plus soutenu. “Je dois donc faire des choix, j’assiste aux défilés qui m’intéressent vraiment, je ne peux pas être partout - de même, si tu dois aller à une soirée voir quelqu’un, tu passes, mais tu ne bois pas jusqu’à 6h”. Un bon conseil, livré par quelqu’un pourtant habitué à dormir peu. “Si tu fais la fête tout le temps, tu ne tiens pas”.
Il faut dire que Pau se revendique lui même maniaque de la coordination et de l’organisation : “j’ai perdu beaucoup de ma patience, ce qui agace ma mère lorsque je rentre en Espagne, mais c’est la faute de ce métier”. Il est indispensable, selon lui, d’être parfaitement organisé, sous peine de se laisser dépasser très vite par les évènements.
Pau, lui, ne se laisse pas dépasser par les évènements : il continue son chemin, parfaitement organisé. Comme un joueur sérieux de Premier League.
Photos : Louis Muller