Manger est-il un sport ?
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Texte Horace
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Question alternative : la table ne serait-elle, en fin de compte, qu'un terrain de sport comme un autre ?
Nous en parlions dans le dernier numéro de notre magazine avec le coach sportif John Martins, coach sportif : les questions de nutrition sont indissociables de la pratique du sport. Cela suffit-il, pour autant, à rapprocher ces deux activités physiques ? Évidemment, la nourriture sert de carburant pour le sportif, tandis que le sport ouvre (souvent) l’appétit. Pourtant, une question se pose : manger est-il un sport ?
Quand on mange, on se dépense
Au premier regard, passer des heures à table à déguster divers mets peut paraître une activité bien trop calme pour être vraiment assimilée à du sport, au sens classique du terme. Pourtant, manger peut permettre de dépenser des calories - n'est-ce pas l'un des principes fondateurs du sport ?
Manger épicé est également un moyen simple de perdre des calories sans tirer sur ses muscles. Comment ? C’est relativement simple : lorsque vous croquez un piment, la sensation de chaud qui s’empare de vous est celle des calories qui se brûlent. Les adeptes de la cuisine mexicaine seraient donc semblables à des athlètes de la table. Il en va de même pour les protéines : en manger consomme de l’énergie, lors de la digestion notamment, en moyenne 25 % de plus que les autres macronutriments.
Cuisiner peut également constituer une remarquable activité physique. On peut perdre de nombreuses calories, 112 en moyenne, en coupant, épluchant, et faisant revenir dans l’huile d’olive les ingrédients nécessaires à un repas réussi. La dextérité et la technique que cela demande est évidemment un autre point important, pouvant rapprocher la cuisine aux sports.
Manger plus vite que son ombre
La compétition, autre aspect essentiel du sport, existe également en matière de nourriture. Chaque 4 juillet, jour de fête nationale américaine, une chaîne de fast food, Nathan’s Famous, organise un concours de mangeurs de hot dogs très suivi. Tradition remontant à 1916, ce concours est une compétition prestigieuse - comme Wimbledon ou le Masters de golf.
Comme tous les sports, les concours de nourriture ont un héros, fait du même bois que Carl Lewis, Roger Federer ou Mark Spitz : c’est le Japonais Takeru Kobayashi. Malgré ses 1m73 pour 58 kg, ce poids-presque-plume peut ingurgiter 337 ailes de poulet en 30 minutes, et 97 burgers en 6 minutes - un record du monde.
Véritable héros de ce sport, il n'a, à l'heure où ces lignes sont écrites, été battu que par un ours, pour les besoins d'une émission de télévision. Quel autre sportif de légende peut en dire autant ?
Aussi médiatisé que le ballon rond
La surdocumentation de la nourriture, comme celle du sport, est également un fléau sur les réseaux sociaux, et en cela, peuvent être rapprochés : on ne compte plus les photos de plats sur Instagram, comme on ne compte plus celles de tenues de sport. Pourtant, dans les deux cas, il paraît injustifié d’utiliser son téléphone pendant l’exercice : à table, c’est impoli ; autour d’un stade, c’est simplement stupide.
Attention à la blessure
L’excès de sport peut conduire à la blessure. Il en va de même avec la nourriture : Marco Ferreri en a tiré un brillant film avec Marcello Mastroianni et Philippe Noiret, La Grande Bouffe. Quatre hommes, fatigués d’une vie monotone, décident de s’enfermer dans une villa pour manger jusqu’à ce que mort s’ensuive - leurs souffrances, amplifiées par la dimension extrême de leur entreprise, peut facilement se rapprocher de celles de l’homme qui, autour d’une simple table avec ses amis, se retrouve à abuser des bonnes choses. Par exemple, Michel Piccoli meurt d’une simple indigestion, l’équivalent culinaire de l’entorse du genou.
C’est qui le meilleur ?
Plus simplement, il existe une concurrence naturelle, entre tout homme, pour savoir lequel mange le plus. Au même titre, il existe des règles, des codes, un fair-play. Un peu comme au football, lorsqu’un joueur blessé provoque une sortie de balle volontaire, il existe de nombreuses règles régissant la bienséance à table. Dès lors, est-ce suffisant pour assimiler les repas à un sport codé tel que le cricket ?
Non, bien sûr, même s’il est tout aussi capital de faire attention à sa tenue pour ces deux activités.
Dès lors, il semble aisé de rapprocher ces deux pratiques - d’autant plus qu’elles se mélangent parfois, comme lors de la chasse au sanglier. Si manger n’est pas un sport en tant que tel, c’est une activité physique qu’il est, un peu comme le football, qui est bien plus agréable de pratiquer à plusieurs.
Mais alors, quid de la boisson ? N’est-elle pas, elle, un sport d’endurance ?