Mosimann, DJ et chanteur, parle de soin pour barbe, de greffe de cheveux et de santé mentale
Photos Jamil Hammadi / Mosimann
Texte Paul-Arthur Jean-Marie
Partager l'article sur
BIEN DANS SA PEAU. Pendant plus d’une heure via Zoom, Mosimann nous en a dit plus sur ses projets musicaux, aborde la santé mentale et sa greffe de cheveux
Mi-novembre, il est presque 4 heures de l’après-midi quand on échange avec Mosimann sur Zoom. Le DJ se trouve alors dans son studio du XXe arrondissement de Paris. Il est seulement quelques jours dans la capitale pour accompagner Grand Corps Malade sur quelques plateaux de télévision. C’est lui en effet qui se cache derrière les compositions du dernier album, Mesdames, du slammeur. L’artiste de 32 ans s’affiche souriant, serein, et s’apprête déjà à repartir dans son petit village Suisse où il vit à mi-temps, loin du tumulte du showbiz parisien. Il nous parle de cet équilibre qu’il a trouvé et aussi de ses envies musicales, des années Star Academy et d’un voyage en Turquie pour une implantation capillaire, entre autres.
Rentrons dans le vif du sujet, si tu veux bien : dirais-tu que tu te sens bien dans ta peau ?
Aujourd’hui à 32 ans, oui. J’ai attendu longtemps avant de me sentir vraiment bien. Je pense que tout réside dans la santé mentale. C’est vraiment la clé. Quand on se sent bien dans sa tête, le reste en découle : on se sent bien dans sa vie, on aime ce qu’on fait. Si on essaie de travailler sur soi-même, ça fonctionne en général. Je conseille vraiment la thérapie à tout le monde. Et pourtant, j’ai grandi dans une famille où on pensait qu’il fallait forcément avoir un problème de fond pour aller voir un ou une psychologue. Je crois que c’est une erreur : on peut aller consulter même si on pense se sentir bien. J’ai voulu le faire pour expliquer certaines choses dans ma vie et ça m’a beaucoup aidé bien au-delà de mes attentes. C’est aussi passé par le fait de pouvoir me regarder dans le miroir. Plus jeune, je voulais être plus musclé, avoir l’air sportif… J’ai laissé ça derrière moi. S’accepter comme on est, c’est une part importante.
Comment fais-tu pour prendre soin de toi ?
Je vais te faire une confession : je suis très maniaque. Ça me pourrit parfois un peu la vie mais mon confort personnel passe par là. J’ai besoin que tout soit rangé pour travailler, de me sentir propre, douché et parfumé. Depuis des années, j’ai le même parfum : Bois d’argent de Christian Dior. C’est inimaginable pour moi de descendre au studio en robe de chambre. Mon rituel du matin, c’est la douche avec le gel douche Cèdre de Virginie et feuille de sauge avant d’appliquer de la crème Nivea soft. Quand j’avais beaucoup plus de cheveux que là, j’utilisais une cire coiffante au parfum de coco, ça a toujours fait partie de moi, de mon odeur. Et même là, avec les cheveux rasés, je mets un peu d’huile de coco sur mon crâne, ça m’est resté. J’aime aussi l’huile pour barbe pour son fini soyeux. En plus elle sent vraiment bon. Comme la plupart des gens en Suisse, je suis maniaque avec les dents aussi, je me lave les dents à chaque repas.
Depuis quand as-tu les cheveux aussi courts ? Et pourquoi cette décision ?
Aussi courts, ça date du tournage de mon clip Lonely en début d’année. J’avais besoin de changement. Il était temps. A vrai dire, à 25 ans, je me suis rendu compte que mon père et mes deux grands-pères ont tous été chauves avant l’année de leurs 30 ans. C’est héréditaire et je savais que j’allais y passer.
Avant de te raser, est-ce que tu as eu un plan d’action spécifique ?
J’ai fait une première greffe un peu après sur les parties qui commençaient à se dégarnir. J’en ai refait une autre à 28 ans parce que je perdais des cheveux à d’autres endroits, et une autre encore il y a un an et demi en Turquie. C’était la dernière fois par contre. Quand tu fais une greffe des cheveux, en fait on t’en prend derrière le crâne pour te les implanter ailleurs. Ma zone donneuse est à sec. Ça ne me dérange pas par contre. J’ai fait ce qu’il y avait à faire quand je pouvais le faire et parce que j’avais la possibilité. Ça me va très bien d’être rasé. Avant, j’avais aussi des trous dans la barbe, j’ai donc profité par la même occasion pour faire une greffe de poils pour les combler. J’en suis particulièrement satisfait.
La crise sanitaire perturbe sévèrement la culture en générale et l’industrie musicale. Comment gères-tu la situation actuelle ?
Je vais être franc, je le vis assez mal. Pour moi, la délivrance dans ce métier vient de la scène. Et là, il y a un vrai manque. Lors du premier confinement, j’ai fait des lives sur les réseaux sociaux. C’était cool car j’arrivais à partager avec les gens d’une manière un peu différente, j’y trouvais mon salut. Seulement, ce n’est plus possible. Si j’avais eu des doutes sur ce dont j’avais envie dans ma vie, aujourd’hui ce ne sont que des certitudes. J’ai besoin d’être sur scène. Je ne me plains pas totalement ceci dit. J’ai eu beaucoup de chance de rencontrer Grand Corps Malade juste avant le confinement et cette rencontre a abouti sur une superbe collaboration. J’ai composé son dernier album, Mesdames (sorti en septembre 2020, ndlr), qui rencontre un succès de dingue, complètement inespéré de mon côté je dois dire. Il a été disque d’or en quinze jours, disque de platine en un mois. Ça fait du bien de voir le public sollicité de la musique à ce point, alors que la culture va mal en ce moment.
Comment est arrivée cette rencontre avec Grand Corps Malade ?
Totalement par hasard, via une amie qui s’appelle Ehla (chanteuse et petite sœur de Clara Luciani, ndlr). Un jour, elle m’a invité à rencontrer son producteur Jean-Rachid, qui est aussi celui de Grand Corps Malade. Il m’a un peu vanné en me demandant si j’avais des productions et des morceaux pour Grand Corps Malade. J’ai répondu “si, si bien sûr, je t’en envoie” mais je n’avais pas grand chose (rires). Je me suis pressé au studio, j’ai composé pas mal de choses, j’ai proposé des titres, il a kiffé et ça c’est fait très vite ensuite. Pendant le confinement, j’ai composé l’album avec lui. Je l’ai accompagné sur certaines parties de la promo et le jour où on a le droit de remonter sur scène, je vais peut-être l’accompagner sur quelques dates. L’idée est vraiment de faire partie du processus artistique jusqu’au bout.
Quelles sont les différences entre produire un album pour quelqu’un d’autre et le faire pour soi-même ?
La prise de risque est moins présente. J’éprouve moins de peur quand je me projette pour un autre artiste. Me mettre à sa place, avoir des visions pour cette personne, ça me plaît beaucoup. C’est quelque chose que je n’avais jamais fait à cette ampleur avec ce projet avec Grand Corps Malade. J’ai déjà composé quelques titres pour certains chanteurs comme Slimane.
Ça doit quand même être apeurant de se lancer avec un artiste du calibre de Grand Corps Malade ?
C’est complètement fou ! J’ai eu beaucoup de chance parce que le mec est incroyable. C’est vraiment une belle personne, drôle et gentille. D’habitude, je fais partie des gens qui préfèrent ne pas rencontrer leurs idoles. On peut vite être déçu. Je préfère admirer un artiste que j’aime beaucoup de loin. Bien après notre rencontre, je lui ai avoué qu’ado, j’enregistrais ses prestations scéniques sur les VHS que ma mère utilisait pour revoir Les Feux de l’Amour. Je cramais ses enregistrements pour avoir Grand Corps Malade et l’accompagner après au piano dans ma chambre.
Tu as sorti ton dernier EP en juin, Outside The Box. Quelle est la genèse de ce projet ?
C’est très, très simple. Ça se résume en une idée globale. J’avais besoin de faire quelque chose sans me fixer de limites, sans barrière. Sans me demander si ça allait plaire au média et même au public. Faire un projet hors des sentiers battus, sans trop me poser de question sur le style. La seule règle était de ne pas me trahir musicalement, donc ça reste de la musique électronique. J’ai rassemblé et ressorti des idées que je n’avais pas forcément osé mettre à exécution plus jeune. J’ai mis en avant les rencontres que j’ai faites à travers toutes ces années. Il y a des featurings avec des artistes américains, suédois, néerlandais et chinois.
Pourquoi c’est devenu important pour toi de penser en dehors des sentiers battus ?
Depuis mon entrée dans la sphère médiatique à mes 20 ans, au moment de la Star Academy, jusqu’à récemment, je partageais avec les gens, avec le public mais par l’intermédiaire d’autres personnes. Une maison de disques par exemple et je me basais sur ce qu’on me disait pour avancer. Il y a 3 ans, j’ai décidé de prendre des risques. Ce que je faisais à mes débuts n’a rien à avoir avec mes vraies envies. Et tant pis si c’est moins populaire. Ce que je kiffe, c’est être derrière mes platines et partager de la musique club. D’ailleurs, ce sont mes débuts dans la musique. C’est par là que j’ai commencé. Il y a douze ans, j’étais résident au Pacha à Ibiza, je jouais de la techno. J’ai rencontré un mec de TF1 qui m’a dit : “tu devrais faire la Star Ac’. Un Français qui mixe et qui chante, on n’a jamais vu ça”. A l’époque, je n’avais pas une thune, j’étais paumé. J’avais peur que mes potes se moquent de moi si je faisais de la téléréalité. Je me suis lancé dans l’aventure en me disant que j’allais pouvoir mettre de l’argent de côté et aider ma mère…
Et là…
Surprise, j'ai gagné ! Non seulement j’ai adoré faire l’émission qui a été une aventure géniale. Je ne regrette pas une seule seconde et j’ai pu acheter une maison à ma mère !
Comment as-tu géré l’après coup de cette célébrité immense et soudaine ?
Je me suis longtemps cherché. Je ne savais plus très bien ce dont j’avais envie. Je ne voulais pas décevoir les fans qui m’avaient vu à la Star Ac’, mais en même temps, au fond de moi, je brûlais d’impatience de me retrouver dans des clubs underground. Les chansons sur lesquelles les gens lèvent les bras avec des briquets dans les mains, ce n’était plus pour moi. J’ai le souvenir d’un soir de concert à l’Olympia. C’était incroyable, j’avais travaillé pour ça, j’avais mon nom en lettres rouges sur la façade, mais dans ma tête, ce n’était pas ça. J’ai fait le concert après j’ai dit à tout le monde : "je suis allé au bout du truc, personne n’a perdu de fric, laissez-moi kiffer maintenant". Au début, ce n’était pas facile : tu es vu comme le mec qui a fait de la téléréalité. En douze ans, d’être passé de la Star Ac à jouer au Rex à Paris, ça a été tout un processus d’introspection et j'ai aussi eu besoin de faire comprendre aux autres qui je suis vraiment.
Par quoi passe t-elle cette introspection ?
La thérapie d’abord. Ça aide. La Star Ac’, c’était 12 millions de téléspectateurs et téléspectatrices, ça peut te monter à la tête. J’ai mon entourage. J’ai rencontré ma manager juste après la Star Ac’. Ça fait douze ans qu’on bosse ensemble. C’est mon pilier, c’est elle qui m’aide à affronter tout ce tourbillon. Et il y a la musique aussi. Le projet Outside The Box va avoir un deuxième volet prévu le 8 janvier 2021. Le dernier titre s’appelle You & I et je mets un peu les points sur les I, sur toutes mes attentes et j’aborde toutes les questions que je me posais. Ce projet, c’est une césure. Le cap des 30 ans n’a pas été très facile pour moi. Je l’ai assez mal vécu et sortir cet album, c’est aussi une façon de me dire qu'il faut que je passe à autre chose.
Qu’est-ce qui a été compliqué dans le cap des 30 ans ?
Je pense que la pression sociale joue beaucoup. C’est le moment où on se dit, même dans son inconscient, qu’on devrait déjà avoir des gosses. Qu’il faut arrêter de vivoter, être plus stable…
Tu t’es détaché de cette pression ?
En thérapie, je me suis rendu compte qu’au fond de moi, je voulais à tout prix être “normal”, ou en tout cas, je ressentais le besoin de comprendre ce que ça voulait dire être normal pour au final être aimé. J’ai vite compris que ce n’était pas la bonne question à se poser : parce qu’après tout, c’est quoi être normal ? C’est quoi la normalité ? Je me suis battu toute ma vie pour être artiste, pour être reconnu comme tel, je n’ai pas envie d’être normal. C’est un travail continu ceci dit.
Tu vis entre la Suisse et Paris. Comment ça se fait ?
A la base, je suis Franco-Suisse. Et toute ma famille, à l’exception de ma mère qui vit dans le sud de France, se trouve en Suisse. Après 3 ou 4 ans passés à Paris, mon petit village près de Lucerne a commencé à me manquer. Je ne m’étais pas rendu compte que mon équilibre se trouvait aussi dans le fait d’être près de mes proches. En plus, j’ai grandi entre chez mon père ici, et en Haute-Savoie où vivait ma mère, donc à la montagne. Ça me manquait de me réveiller le matin et d’avoir de l’espace. J’adore être à Paris, mais au bout d’une semaine, il faut que je me casse. J’ai ma maison en Suisse et mon studio à Paris, avec des chambres à l’étage et c’est parfait.
A quoi ressemble ta vie là-bas en dehors de ta musique ?
Je suis très famille. J’aime gâter mon neveu et ma nièce, les enfants de ma sœur. Je les emmène dans des magasins de jouets, je leur fais manger des tonnes de Nutella. Avec tonton, il y a pas de limite. J’aime rendre ma sœur dingue aussi en faisant ça ! Et puis, j’aide pas mal père aussi avec sa crêperie dès que je peux. C’est presque devenu un exutoire. Ce sont des plaisirs simples.